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Deuil périnatal : l'histoire d'un petit champion

A l’occasion de la journée du deuil périnatal, Julie, Partenaire Enfants-Parents à l’ONE (PEP’s) depuis 13 ans et infirmière de formation, nous raconte le bout de chemin qu’elle a parcouru avec une famille. Cette famille, c’est celle de Timéo, un petit garçon atteint d’une maladie génétique rare détectée durant la grossesse.

Comment la rencontre s’est-elle passée ?

Au départ, j’étais un peu angoissée car je me demandais comment accompagner au mieux cette famille qui aurait beaucoup de questions relatives à la maladie. Lors de ma première rencontre avec la famille, j’ai surtout écouté les parents, répondu à leurs questions et présenté les services de l’ONE. Lors de chaque visite, le papa, la maman et les grands-parents paternels étaient présents. Ils étaient impatients de me rencontrer et de pouvoir suivre les progrès de Timéo.

 

Comment Timéo évoluait-il ?

Timéo se développait très bien… jusqu’au moment où il a commencé à de moins en moins prendre de poids. Les parents étaient inquiets. Je me suis donc attardée sur le critère du poids lors de mes visites pour les rassurer au mieux. Je me rendais chez eux toutes les semaines, parfois deux fois par semaine, comme il fallait surveiller cela de près.

 

Aviez-vous quelqu’un pour vous épauler ?

J’ai dû demander de l’aide au médecin de la consultation. Elle m’a vraiment rassurée et donné des pistes de réflexion. Au final, la famille l’a choisie comme médecin traitant. Elle était très à l’écoute et centralisait tous les rendez-vous et rapports médicaux. Mais à un moment, les parents ont décidé de ne plus suivre les conseils des spécialistes. Ils ont arrêté de se faire suivre au niveau universitaire et n’ont gardé que le suivi ONE.

 

Comment ça s’est passé pour vous quand vous avez appris qu’ils “arrêtaient tout” ?

Pour moi, c’était angoissant ! Suivre Timéo dépassait totalement le domaine de la prévention. J’avais besoin qu’il soit au moins suivi par un pédiatre de proximité. Le médecin de l’ONE a pris contact elle-même avec un autre hôpital universitaire, mais les parents ont à nouveau souhaité arrêter ce suivi. Au final, ils ont changé trois ou quatre fois d’hôpital.

 

Vous étiez donc le seul lien qu’ils gardaient ?

Oui. Avec le médecin, nous nous demandions comment assurer la sécurité de Timéo qui ne grossissait plus du tout. Il fallait que nous trouvions une solution pour qu’il soit vu par un pédiatre spécialiste. Finalement, Timéo a été hospitalisé plusieurs fois d’urgence. Les spécialistes ont alors décidé que Timéo ne boirait plus au biberon mais aurait une sonde naso-gastrique…

 

La situation était donc vraiment différente de celle de départ…

Oui. On est passé d’un suivi normal avec un bébé qui boit au biberon à une situation avec un bébé sondé, opéré plusieurs fois et nourri au lait thérapeutique. C’est là qu’on a parlé aux parents d’allocations majorées. Ceux-ci ont refusé, declarant qu’ils pouvaient tout payer. Ils ne voulaient pas entendre parler de “handicap”. C’est aussi pour cette raison qu’ils refusaient les soins spécifiques.

 

Quels soins spécifiques auraient été nécessaires ?

Timéo aurait eu besoin d’une kiné spécialisée. A un moment donné, quand la maman m’a demandé comment on pouvait progresser, je lui ai suggéré de contacter la kiné spécialisée que je lui avais proposée précedemment, pour voir si cette dernière pouvait apporter quelque chose de plus que la kiné qui suivait déjà Timéo. Cette kiné spécialisée a vraiment pu débloquer la situation et faire accepter aux parents que Timéo était un enfant différent, avec des besoins différents. Mais ça n’a pas été instantané. Au début, la maman ne voulait pas du matériel apporté par la kiné, seuls cette dernière et les grands-parents l’utilisaient.

 

C’est en effet une étape à passer… Comment avez-vous pu aider les parents ?

A chaque fois que je me rendais chez eux, j’encourageais les progrès, comme le fait que Timéo commence à tenir assis dans son siège spécial, ce qui lui donnait l’air d’un grand garçon. Indirectement, cela aidait les parents à accepter le matériel. J’ai aussi aidé la maman à remplir les papiers pour recevoir les allocations majorées et faire les démarches vers l’AVIQ comme elle ne souhaitait pas faire cela avec l’assistante sociale de la mutuelle. On réfléchissait ensemble aux formulations et une complicité s’est vraiment créée.

 

Et comment ont évolué les relations dans la famille ?

La maman était du genre à foncer, tête baissée. Elle n’a jamais eu peur de manipuler Timéo. Par contre, le papa n’osait pas du tout. Dans un premier temps, j’ai pu montrer comment manipuler Timéo sans lui faire mal, mais je demandais toujours l’accord de la maman avant de faire une manipulation. J’ai aussi appris au papa à porter Timéo, ce qui était très émouvant.

Par contre, la maman n’était pas du tout prête à retravailler car elle avait l’impression d’être la seule à pouvoir s’occuper de Timéo. J’ai presque dû lui donner l’autorisation. A ce moment, elle a accepté de déléguer le travail quotidien qui était très lourd. Par exemple, donner à manger à Timéo prenait 1h30 !

Inclure le papa a été un vrai travail. Il avait l’impression que la maman s’occupait tellement bien de Timéo qu’il n’osait pas prendre sa place. De plus, il travaillait beaucoup et n’était pas toujours là quand je venais en visite.

 

Timéo avait-il des activités en dehors de la maison ?

Tous les mois, Timéo a pu particper à une activité collective que j’avais mise en place dans la consultation, comme ça se mettait bien au niveau de ses horaires. La maman était en confiance comme j’étais là. C’était une bulle d’oxygène qui permettait à Timéo de sortir du quotidien des soins, de voir d’autres enfants, et qui donnait aux parents l’occasion de souffler et le sentiment que leur fils vivait une vie “normale”. J’envoyais aussi des vidéos à la maman de Timéo pour qu’elle voit son fils dans un autre cadre.

 

La santé de Timéo s’est-elle dégradée ?

Pas du tout, il grandissait et grossissait bien. Mais un jour, Timéo n’est pas venu à l’activité car il faisait de la température. Cela n’a pas inquiété la maman comme il en faisait à chaque poussée dentaire. Mais le lendemain, la température a grimpé en flèche et Timéo a fait plusieurs convulsions. Il a été emmené dans un hôpital universitaire et sa santé s’est vite dégradée… Timéo est resté aux soins intensifs pendant un peu moins d’une semaine. La maman me tenait au courant par message. Un jour, j’ai reçu un message disant que Timéo était parti avant l’IRM… C’était un choc car, à aucun moment, je ne pensais qu’il allait partir.

 

Avez-vous pu vous appuyer sur des collègues ou psychologues comme cela dépasse largement votre vécu avec d’autres familles ?

Tout au long de l’accompagnement de Timéo, j’ai eu le soutien de mes collègues, qui étaient présents lors des consultations et des activités. Mais le jour où la maman m’a écrit, je n’ai pas senti le besoin d’en parler à mes collègues. J’avais besoin de revoir les parents, de les accompagner jusqu’au bout. Je me suis rendue le lendemain à l’hôpital pour les soutenir et faire mes adieux à Timéo, ce qui m’a fait du bien.

 

Avez-vous continué à accompagner la famille ?

Les parents m’ont demandé si je savais comment se passait la mortuaire à domicile. J’ai téléphoné pour eux, même si je n’étais pas préparée à ça. J’ai continué à accompagner la famille car je sentais que j’en avais besoin.

Quand je me suis rendue chez eux, les parents avaient installé le cercueil là où Timéo s’asseyait dans son fauteuil. Ça a fait plaisir aux parents que je le remarque. C’était très dur. Mais à aucun moment on n’a pleuré. Au contraire, on a ri et parlé de tous les bons moments. C’était un échange étonnant et riche en émotions.

Le lendemain, c’était le jour de l’enterrement et les parents m’ont demandé de venir près d’eux au cimetière. C’était difficile de se dire qu’on laissait Timéo là…

 

Quel enseignement tirez-vous de cette histoire exceptionnelle dans votre parcours ?

J’ai appris que le lien de confiance qu’on créé avec le temps, avec la famille, fait qu’on est souvent la personne qui reste, celle qui l’épaule jusqu’au bout. Peu importe les difficultés qu’elle rencontre, on sera toujours là à ses côtés, sans jugement.

 

Ecoutez le récit de Julie dans le podcast “Paroles de PEP’s”.

Pour bénéficier du soutien d’un PEP’s, contactez une consultation proche de chez vous.

 

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