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L’ONE dénonce les indications massives et abusives de frénectomie chez les nourrissons.

Les 6 à 8 premières semaines de la vie d’un nourrisson peuvent être particulièrement difficiles à vivre pour les jeunes parents et régulièrement sources de désarroi et d’impuissance.

Face à des difficultés d’allaitement, des pleurs, des coliques, du reflux gastro-œsophagien, un « mauvais » sommeil …, certains professionnels présentent aux parents, comme solution à tous les problèmes de leur bébé, une intervention chirurgicale consistant à couper le frein de la langue.

Les jeunes parents, en recherche de solutions rapides et efficaces, ont l’impression d’une solution miracle.

 

Les freins de langue - De quoi s’agit-il ?

Le frein de langue est une membrane fibromuqueuse qui relie la face ventrale de la langue au plancher de la bouche.

Dans de rares cas, le frein de langue est dit « restrictif », c’est-à-dire qu’il entraîne une limitation des mouvements de la langue (ankyloglossie). Il s’agit d’un diagnostic plus fonctionnel qu’anatomique.

Ainsi, 4 à 10 % des nourrissons naissent avec, anatomiquement, un frein lingual restrictif (frein très épais et / ou antérieur…).

Mais c’est seulement chez 2 % d’entre eux (donc chez 0,8 à 2 nouveau-nés sur 1 000) que ce frein peut entrainer des difficultés d’allaitement et justifier une intervention pour couper ce frein et « libérer » la langue. Cette intervention s’appelle la frénectomie.

Elle est parfois réalisée au cours du séjour à la maternité par les pédiatres.

Depuis quelques années, on assiste à une augmentation exponentielle du nombre de frénectomies, non seulement linguales, mais également labiales et jugales (freins de lèvre supérieur et « freins de joue »…).

Ces derniers mois les demandes d’intervention (rééducation logopédique, demandes d’intervention chez les ORL, les stomatologues, les dentistes …) ont largement augmenté.

En 2020, l’INAMI a recensé le double d’opérations de frénectomie réalisées chez des enfants de moins de 2 ans, par rapport aux chiffres de 2019.  Cette tendance ne se limite pas à la Belgique comme en témoigne le Communiqué de presse publié le 17 janvier 2022 par l’association française de pédiatrie ambulatoire.

 

Description de l’intervention

La section de frein est réalisée aux ciseaux ou au laser.  La prise en charge correcte de la douleur lors de cette intervention n’est pas toujours assurée.

Cette intervention demande un investissement conséquent aux parents, tant en amont, que pour le suivi post-opératoire. Plusieurs fois par jour, pendant plusieurs semaines avant et après l’opération, il est recommandé aux parents de réaliser des stimulations et des massages de la zone incisée.

Par ailleurs, plusieurs consultations peuvent être conseillées parallèlement aux parents, avant et après la section de frein(s) chez d’autres professionnels pour améliorer la guérison.

 

Répercussions

Sur la santé :

L’ensemble de ces interventions peut avoir des répercussions graves chez le nourrisson. Cette pratique intrusive dans la bouche des bébés peut être source de troubles de l’oralité.

Ainsi on a pu observer, suite aux douleurs lors de la frénectomie et après celle-ci, à l’expérience négative qui peut en résulter, des interruptions brutales de l’allaitement ainsi que l’apparition de troubles alimentaires importants avec des répercussions sur la croissance.

Sont également décrites des infections nécessitant parfois une hospitalisation, des apnées obstructives pendant le sommeil, des hémorragies… Ou à tout le moins une non amélioration des troubles observés qui ont mené à ce traitement ainsi que des reports de la vaccination.

Enfin, il arrive régulièrement que le frein en cicatrisant se reforme, parfois plus fibreux, plus épais formant une « bride cicatricielle ».

Ces pratiques génèrent également de l’anxiété et de la culpabilisation chez les parents face aux répercussions sur la santé de leur enfant et la douleur occasionnée.

 

Du point de vue économique et éthique :

Ces interventions coûtent de 350 euros à 1000 euros, en majeure partie non remboursées par les mutuelles. S’y ajoutent les frais liés aux complications.

 

Position de l’ONE

L’ONE attire l’attention de tous les professionnels de la petite enfance et de tous les parents sur les répercussions de cette nouvelle tendance de frénectomies abusives.

Si la frénectomie en présence de frein de langue restrictif peut, parfois, être un moyen pour améliorer l’allaitement maternel, la décision d’instaurer ce traitement exige un haut niveau de compétence clinique, de jugement et de discernement, ainsi qu’un avis multidisciplinaire.

Ce phénomène ayant pris une ampleur remarquable et suite aux nombreux appels de parents et de professionnels de terrain, le Collège des conseillers pédiatres et sages-femmes de l’ONE a réuni un groupe de travail multidisciplinaire qui a analysé la littérature et auditionné des experts.

Ce groupe de travail est arrivé à la conclusion que dans l’état actuel des connaissances, il n’existe ni critère/protocole consensuel bien défini, ni evidence-based practice pour diagnostiquer un (ou des) frein(s) restrictifs et déterminer les indications chirurgicales qui y sont liées.  

La recherche scientifique doit encore se positionner sur la définition du frein de langue et de ses aspects fonctionnels, le degré d’incision requis, le mode d’intervention, les soins postopératoires et l’évaluation du suivi des complications immédiates et à long terme. Les zones d’ombres de la littérature scientifique doivent être mises en exergue.

En outre, la littérature médicale et les avis d’experts multidisciplinaires (ORL, consultantes en lactation, stomatologues, orthodontistes, kinésithérapeutes, logopèdes, ostéopathes …) convergent vers un excès d’interventions et un besoin urgent de recommandations au niveau de la prise de décision (notamment les indications chirurgicales), des implications cliniques (massages, anesthésie, matériel, suivi nécessaire…) et des compétences requises.

Enfin, de nombreuses formations sur les freins de langue sont assurées sans contrôle sur le contenu (notamment les fondements scientifiques) ni sur les compétences des dispensateurs et sont largement ouvertes à divers professionnels, même non-médicaux.

 

Recommandations

  1. Cette thématique de santé doit être réglementée au niveau fédéral. Un trajet de soins correct multidisciplinaire basé sur des recommandations scientifiques fiables doit être établi. Le médecin traitant et le pédiatre, dont le rôle est de vérifier la globalité de la santé et du développement de l’enfant, doivent faire partie de l’équipe pluridisciplinaire.

  2. Il est indispensable de mettre en place des formations actualisées et validées sur la thématique, à l’attention des professionnels de la petite enfance.

  3. Il est indispensable que les parents et le public soient correctement informés.

 

Pour en savoir plus :

 

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